Le viol en littérature: perspectives d’enseignement

Je remercie les personnes qui ont pris le temps de témoigner de leur expérience d’élève ou d’enseignant⋅e sur ce sujet. Un immense merci également à @placardobalais, à l’initiative de ce projet, pour son travail et ses réflexions.

Cette réflexion prolonge des pistes esquissées dans deux billets publiés il y a quelques mois: « Un viol disparaît: zone grise et mère coupable » et « Petit guide littéraire et mythologique pour violer mais pas trop violemment » . Leur rédaction était directement liée à des difficultés survenues en cours pour aborder certains textes; l’analyse littéraire des textes y est davantage développée que dans ce billet, plus théorique et abstrait.

Le spectre des campus américains

Comme en France, proposer de sensibiliser les enfants aux notions d’égalité homme/femme et initier une réflexion sur les stéréotypes de genre provoque aussitôt de grands cris, la réflexion sur la place des violences sexuelles dans l’enseignement de textes littéraires nous parvient surtout à travers quelques articles présentant cette question comme une curiosité des campus américains, relayée par des journaux français avec une certaine ironie, quand ce n’est pas carrément avec mépris, comme cet article de rue89 intitulé “Attention, étudiants fragiles”:

Les campus américains sont atteints de fièvre anxieuse aiguë  : des jeunes y réclament que les profs apposent des «  avertissements de contenu  » sur les livres, films et documents utilisés en classe.

C’est en partie parce que cette réflexion n’existe pas en France que les initiatives portées dans les universités américaines sont souvent réduites à l’outil généralement mis en avant: les trigger warnings (1).

Un article plus mesuré de Violaine Morin dans Le Monde mentionnait ainsi cet outil en portant un jugement sévère sur son développement:

Avec l’apparition de la mention « TW » dans les programmes de cours, certains universitaires ont vivement critiqué une forme de censure et l’approbation donnée à une « hypersensibilité » qui ne prépare pas les étudiants à la vie réelle. Une tribune publiée dans le Guardian rappelait alors que « dans la vie, la violence n’arrive pas toujours précédée de la mention “TW” ». On s’inquiétait de voir se retourner un outil censé protéger les victimes de traumatismes en un moyen de se couper de tout sentiment négatif. Or, comme le rappelle le Guardian, la mention “TW” « coupe les étudiants de certains débats » et empêche l’université d’accomplir sa mission d’éducation, qui consiste à pousser les étudiants à se confronter à d’autres univers que le leur.

Les étudiant⋅e⋅s qui soulèvent la question utilisent probablement eux-mêmes ce terme: c’est un outil militant très répandu dans les milieux féministes en particulier, mais il faut rappeler son contexte d’utilisation. Une mention de type “[TW viol]” figurera au début d’un tweet ou en tête d’un message, d’un article de blog, en suivant le sens de lecture habituel d’un site internet, où l’on peut visualiser un contenu ligne par ligne, et donc arrêter sa lecture. Sa forme ramassée ou l’usage des crochets contribuent à en faire un jalon immédiatement repérable. C’est donc un outil propre aux modes de communication numériques, qui n’est pas conçu pour offrir une grande précision sur le contenu, et qui suppose que cette convention soit connue des participant⋅e⋅s, en général au sein d’un espace militant.

Cette réduction en amène une autre: on passe du problème de la mise en place d’un enseignement bienveillant à l’idée d’une censure des oeuvres à cause des “caprices” d’étudiant⋅e⋅s “fragiles”. L’article de Violaine Morin glisse ainsi de la demande d’avertissement à la perspective effrayante d’une censure, d’un tri radical dans le canon – il s’agirait de mettre à la poubelle une vingtaine d’auteurs majeurs:

Imaginons ce que représenterait un tel projet en France. Signaler tous les contenus violents, racistes, antisémites ou sexistes des programmes de littérature à l’université, ce serait donner aux étudiants la possibilité de refuser de lire, au bas mot: Homère, Ovide, Virgile, Chrétien de Troyes, Rabelais, Corneille, Racine, La Fontaine, Voltaire, Hugo, Claudel, Céline, Genet et même Proust… […] Chez nous, on se couperait alors d’auteurs comme Aimé Césaire, Assia Djebar ou encore Kateb Yacine.

Les articles en contexte français consistent alors davantage à mettre en cause la légitimité des demandes des étudiant⋅e⋅s (en leur expliquant que ce n’est pas bon pour eux de trop les ménager, que ce n’est pas comme ça qu’on va leur apprendre la vie), plutôt qu’à discuter des pratiques d’enseignement. Le débat est par conséquent restitué sous un angle presque uniquement psychologique (une dimension évidemment centrale pour en comprendre les enjeux) au détriment du questionnement pédagogique. Les mots d’infantilisation, d’hypersensibilité ou de fragilité reviennent souvent, ce qui revient en fait aussi à discréditer l’enjeu du stress post-traumatique.

Elle déplace en même temps le questionnement de l’enseignant⋅e aux étudiant⋅e⋅s – l’article de Violaine Morin évoque ainsi “l’ingérence des élèves” (l’article traite également du contenu des programme): les pratiques d’enseignement plus horizontales, le dynamisme des mouvements féministes sur les campus mais aussi le fonctionnement capitaliste des universités sont autant d’éléments qui se heurtent à une conception française de l’enseignement fondée sur la transmission verticale d’un contenu stable et indiscuté. Que des étudiant⋅e⋅s lancent une pétition ou publient une tribune dans un journal pour critiquer un enseignement est à peu près impensable en France. Or, une grande partie des réflexions sur cette question proviennent d’initiatives d’enseignant⋅e⋅s, comme l’organisation au sein de l’American Philological Association d’ateliers et de tables-rondes sur le sujet de l’enseignement des textes représentant des viols en lettres classiques. Ce sont donc des hellénistes et des latinistes qui ont soulevé cette question lors de leur congrès annuel à partir de 2008 (c’est-à-dire entre universitaires), attirant d’ailleurs un nombre inhabituellement élevé de participant⋅e⋅s.

Enfin, la réduction de cette question à l’outil “trigger warning” présuppose que l’identification d’un contenu problématique va de soi et que la nature du problème posé par ce contenu est toujours la même. Or ce n’est pas le cas: loin d’être un sujet annexe susceptible de nous éloigner des œuvres en introduisant des considérations psychologiques ou politiques, la question de l’enseignement de textes représentant des violences sexuelles implique un véritable travail littéraire, exigeant et inconfortable, au cœur des textes.

De l’avertissement de contenu aux salles de classe

Une des difficultés de la notion de trigger warning est qu’elle n’est pas justifiée exactement de la même façon en fonction des contextes: l’avertissement de contenu est d’abord présenté comme une façon de prévenir les éléments susceptibles de déclencher une réaction de stress post-traumatique (ce qui se traduit le plus souvent par une crise de panique), mais son “public” est en réalité plus large. AC Husson écrit dans le billet qu’elle a consacré à cet outil:

Vous vous dites peut-être que les personnes souffrant de stress post-traumatique sont finalement peu nombreuses, qu’on ne peut pas savoir qui sera affecté par quoi. Il est vrai que l’expression « trigger » renvoie à une réaction bien spécifique et ne devrait pas être employée à tort et à travers, même si, je le répète, les trigger warnings sont nécessaires. Mais il est également vrai que les personnes souffrant de stress post-traumatique ne sont pas les seules concernées par des TW: n’importe qui peut estimer que, à un moment et dans un cadre précis, il ou elle n’est pas en mesure de lire un article sur le viol, de voir des images représentant des violences de manière explicite. Parce que cela fait écho à son histoire personnelle, à des peurs; parce que ce n’est tout simplement ni le moment ni l’endroit; parce qu’on ne se sent pas en mesure d’être confronté·e à un tel contenu.

Insister sur la première dimension (le TSPT) tend à circonscrire l’avertissement de contenu dans un cadre individuel, pathologique et psychiatrique, ce qui peut dans une certaine mesure entrer en conflit avec la volonté de politiser les violences à l’origine de ces réactions. N. Marignier, qui n’utilise pas les trigger warnings, écrit ainsi:

Pour moi c’est simplement pathologiser ce qui malheureusement est la norme (les violences – sexuelles ou pas – envers les femmes et minoriséEs (le plus souvent)). Selon moi, ce n’est pas une bonne stratégie de lutte.

Insister sur la deuxième dimension, en revanche, dans un souci d’empathie plus général, c’est prendre le risque de minimiser la violence des réactions de type traumatique – il est alors plus difficile de faire comprendre qu’il n’est pas forcément possible de généraliser sa propre expérience pour aborder cette question politique (“moi aussi je fais la grimace face à [tel contenu] mais c’est la vie et il faut apprendre à gérer ses angoisses”).

Au-delà des débats militants autour de cet outil, plusieurs difficultés d’utilisation se posent dans la perspective de l’enseignement de textes à contenu violent:

  • d’une façon générale, y compris dans les espaces militants, il n’est pas toujours possible de prévoir quels éléments sont susceptibles de déclencher une réaction de type traumatique: il peut s’agir d’éléments anodins liés à l’événement traumatique. De surcroît, les avertissements de contenu sont eux-mêmes très divers.
  • si la probabilité qu’au moins une victime de violences sexuelles se trouve dans une classe est très forte, le passage d’un espace militant à un espace d’enseignement est délicat: en fonction de leur âge ou du suivi dont ils ont bénéficié, des élèves victimes de violences ne connaîtront pas forcément la convention, ni même le mécanisme du stress post-traumatique. On peut aussi avoir subi une violence traumatique sans la conceptualiser sous le terme utilisé pour l’avertissement: “poser le mot” prend du temps (2).
  • dans son utilisation en ligne, l’avertissement permet notamment d’éviter le contenu. Si la possibilité de ne pas venir en cours peut être proposée dans l’enseignement supérieur (3), cela est beaucoup plus compliqué pour l’enseignement secondaire. Faut-il alors modifier le texte étudié? Faut-il éviter de choisir dans un roman par exemple un extrait à contenu sensible pour une étude de texte, au risque de ne pas proposer d’accompagnement adapté pour les élèves qui auront lu l’intégralité de l’oeuvre parce qu’un extrait difficile ne sera pas étudié en classe? Faut-il considérer que les avertissements ne servent qu’à éviter l’effet de surprise, ou que leur utilisation sous-entend la permission de ne pas se confronter à ces contenus? C’est le choix que fait une enseignante en sociologie pour un cours qui porte sur des œuvres culturelles:

E.B. : […] dire “au fait comme on vient de le voir dans la présentation ce cours peut aborder des sujets qui pour certains d’entre vous seront difficiles n’hésitez pas à vous servir de la fiche pour me dire si vous pensez que la confrontation à certains thèmes sont pour vous difficiles. Vous pouvez aussi en parler avec moi directement si vous le souhaitez.” Au cours du cours quand je connais leurs difficultés je leur permets de sortir de la salle s’ils veulent prendre l’air ou partir définitivement de la séance. Ce que je ne fais pas : les accompagner individuellement parce que cela fait appel à des compétences que je n’ai pas.

Dans les espaces militants en ligne, penser à placer un trigger warning avant un contenu devient, lorsqu’on choisit d’utiliser cet outil, de l’ordre du réflexe. Mais la relation enseignant⋅e / élèves est très différente: le problème n’est pas réglé une fois l’avertissement posé – l’enseignant⋅e doit être en mesure d’accompagner la lecture, de créer un environnement bienveillant pour l’étude de texte en classe, de gérer des réactions de la part d’autres élèves qui pourraient nier le caractère violent d’une agression sexuelle par exemple. Une réflexion plus large sur le traitement bienveillant des contenus violents est donc nécessaire, dont la portée dépasse forcément les personnes souffrant d’un stress post-traumatique.

Le traitement des violences sexuelles en classe en France: état des lieux

Concrètement, avant de parler de la pertinence des avertissements de contenu pour les violences sexuelles, il faudrait déjà que tou⋅te⋅s les enseignant⋅e⋅s soient capables d’identifier un viol, une agression sexuelle ou des faits de harcèlement dans un texte. Ce problème était en fait évident dans l’un des textes qui ont contribué à raviver la discussion sur l’utilisation des trigger warnings en cours, une tribune d’étudiant⋅e⋅s de l’Université de Columbia, “Our identities matter in Core classrooms”, qui rapportait cette situation:

Au cours de la semaine consacrée aux Métamorphoses d’Ovide, il a été demandé aux élèves de lire les mythes de Perséphone et de Daphné, qui contiennent tous deux des représentations détaillées de viols et d’agressions sexuelles. Une élève, survivante d’agression sexuelle, a expliqué que la lecture de descriptions détaillées d’un viol dans l’oeuvre avait déclenché chez elle un stress post-traumatique. Pourtant, l’enseignant⋅e, rapporte-t-elle, a concentré son étude du texte sur la beauté du langage et la richesse des images. Par conséquent, l’élève s’est complètement mise à l’écart des échanges en classe afin de se protéger. Elle ne se sentait pas en sécurité en cours. Elle rapporte qu’elle n’a pas été prise au sérieux quand elle s’est adressée après le cours à l’enseignant⋅e, qui a ignoré ses préoccupations. (4)

La tribune aborde d’autres enjeux politiques mais concernant l’enseignement de textes violents, leurs propositions ne faisaient des trigger warnings qu’un préalable: la tribune met surtout en avant la nécessité d’une formation des enseignant⋅e⋅s et de la création d’espaces d’échanges de bonnes pratiques sur ce sujet. Plusieurs éléments restent imprécis dans la tribune sur la façon dont le texte d’Ovide a été traité. Il est probable cependant que le mot “viol” n’ait même pas été employé par l’enseignant⋅e dans son cours.

Placer un avertissement de contenu revient indirectement pour un⋅e enseignant⋅e à reconnaître la violence d’un texte auprès de ses élèves: prononcer le terme dès le début de l’étude, c’est une manière d’indiquer aux élèves que la situation est identifiée par l’enseignant⋅e et de légitimer les réactions de l’élève face à la violence du texte. Mais il est de toute manière impossible de prévenir si on n’est pas soi-même capable de reconnaître un viol dans un texte. La question des avertissements de contenu devient, à cet égard, secondaire.

liaisonsPour des personnes peu familières des textes classiques ou de la réflexion féministe sur les violences sexuelles, poser ainsi le problème suscite peut-être une incompréhension: il semble totalement incongru que des enseignant⋅e⋅s ne voient pas que le texte qu’ils ou elles proposent à l’étude représente un viol, et même qu’ils ou elles en minimisent la violence. Est-ce qu’il ne s’agit pas de bon sens, dont ne manquent normalement pas les enseignant⋅e⋅s? C’est en demandant autour de nous comment les textes représentant des violences sexuelles ou sexistes avaient été traités en classe que nous avons pu prendre la mesure du problème. La moitié des témoignages que nous avons recueillis concernaient le même roman (au programme du bac L il y a quelques années), Les Liaisons dangereuses (5), avec des témoignages très différents:

S. : Lors de l’étude des Liaisons Dangereuses en Terminale ma professeure a insisté sur le fait qu’il s’agissait d’un viol -je me la rappelle dire- “nous sommes bien d’accord qu’il s’agit d’un viol, n’est-ce pas ?”; je réalise aujourd’hui que c’était sûrement par peur que certains ne s’en soient pas aperçu, et il y avait d’ailleurs eu une discussion. Mais nous avions aussi étudié le film de Stephen Frears, qui a le mérite – me semble-t-il – de ne laisser aucun doute sur l’acte et la manipulation (chantage, usage de la naïveté de Cécile) à laquelle se livre Valmont.

P. : La prof de français de la prépa dans laquelle je fais passer des colles leur fait étudier “les Liaisons dangereuses”. La semaine dernière, je l’ai trouvée complètement dépitée, choquée et énervée en salle des profs. Elle sortait de cours et venait de passer 2h à essayer de CONVAINCRE ses étudiants de 1ère année, surtout les garçons, que oui, Cécile est bien violée dans cette lettre, et que quoi qu’il se passe après, même si après elle a l’air « d’aimer ça », c’est bien une scène de viol (très brutale, en plus). Eux préféraient parler de « victime consentante » et d’ « initiation »… Initiation, c’est exactement comme ça qu’on m’avait présenté la chose quand j’ai étudié ce bouquin en 1ère L. La prof n’avait jamais prononcé le mot « viol » !

C. :  Quand je l’ai lu la première fois, j’ai interprété la première nuit de Cécile et Valmont comme un viol. On m’a dit que j’avais tort. Je l’ai cru. Mais en le relisant avec un peu de bagage féministe : c’est un viol caractérisé, au moins au début. Je ne me rappelle pas avoir jamais entendu ni ma prof, ni les analyses spécial bac prononcer le mot viol ; le discours convenu était que Cécile était une petite vicieuse ravie de l’aubaine une fois qu’elle avait compris de quoi il retournait. J’ai surtout été influencée par mon meilleur ami de l’époque qui me disait : « mais non, c’est pas un viol, elle cède ».

C. : je me souviens d’avoir lu (et adoré) “Les liaisons dangereuses”, de Chordelos de Laclos, en première, en cours de français. Avec le recul, j’ai réalisé que Valmont était un violeur et qu’il abusait psychologiquement et physiquement de Cécile (15 ans). Je le qualifierais même de pédophile, étant donné qu’il y a un rapport entre un majeur et une mineure (même si à l’époque bien sûr, ces distinctions-là n’étaient pas faites et que le viol était un devoir conjugal). Je n’ai pas souvenir que la prof ait analysé l’histoire en qualifiant de viols ces rapports sexuels… Avec le recul, cela me gêne… D’autant plus qu’il est fréquent de couvrir les viols et de diminuer les souffrances des victimes sous couvert de libertinage (je fais une comparaison qui va sembler anachronique, mais le traitement de l’affaire DSK est symptomatique de la culture du viol en France… et de la manière dont les violeurs sont déresponsabilisés).

Plusieurs situations sont évoquées:

  • l’enseignant⋅e n’utilise jamais le mot « viol ».
  • l’enseignant⋅e mentionne la possibilité du viol mais donne des éléments qui disqualifient le terme, en renconduisant la culture du viol au lieu de la contextualiser.
  • l’enseignant⋅e parle de viol avec le souci que la qualification de la scène soit claire pour les élèves, et se heurte parfois aux réactions d’étudiants qui trouvent le terme excessif.

On remarque par ailleurs dans les propos cités un souci de prendre en compte les problèmes d’anachronisme que pose potentiellement l’emploi du mot « viol » en contextualisant le fonctionnement de l’oeuvre dans un ensemble de paramètres juridiques, cultures et sociaux. K. a ainsi remis en cause la légitimité de cette qualification en convoquant le contexte historique, alors que ce contexte aurait dû être explicité par l’enseignant⋅e pour accompagner les élèves dans une lecture difficile, aussi bien du point de vue de la violence de la scène que de son interprétation. En effet, utiliser le mot « viol », loin de mettre un point d’arrêt à la réflexion, soulève des questions: il y a une vraie difficulté par exemple à articuler le récit de Valmont avec celui de Cécile, qui écrit dans la lettre XCVII:

Ce que je me reproche le plus, & dont il faut pourtant que je vous parle, c’est que j’ai peur de ne m’être pas défendue autant que je le pouvais. Je ne sais pas comment cela se faisait : sûrement, je n’aime pas M. de Valmont, bien au contraire ; & il y avait des moments où j’étais comme si je l’aimais. Vous jugez bien que ça ne m’empêchait pas de lui dire toujours que non ; mais je sentais bien que je ne faisais pas comme je disais ; & ça, c’était comme malgré moi ; & puis aussi, j’étais bien troublée ! S’il est toujours aussi difficile que ça de se défendre, il faut y être bien accoutumée ! Il est vrai que ce M. de Valmont a des façons de dire, qu’on ne sait pas comment faire pour lui répondre : enfin, croiriez-vous que quand il s’en est allé, j’en étais comme fâchée, & que j’ai eu la faiblesse de consentir qu’il revînt ce soir : ça me désole encore plus que tout le reste.

C’est évidemment sur cette lettre que s’appuient les contre-arguments lorsque l’on pose la question de la nature de la relation sexuelle entre Valmont et Cécile. On peut facilement imaginer la difficulté de la lecture de cette lettre pour une élève victime de violences sexuelles si l’enseignant⋅e, au lieu de rappeler que le récit de Valmont et les termes « ça ne m’empêchait pas de lui dire toujours que non » suffisent à caractériser le viol, parle du consentement simplement caché de Cécile ou des formes de désir qu’elle décrit pour disqualifier le terme « viol ». Si au contraire, l’enseignant⋅e propose une discussion sur le sentiment de culpabilité des victimes de violences sexuelles ou sur la culture du viol dans le libertinage, la lecture de ce texte peut être une manière de mettre à distance des expériences personnelles de culpabilité pour les victimes. La bienveillance et la compétence de l’enseignant⋅e sont donc absolument fondamentales: on ne peut pas se contenter de « faire lire le texte ».

Le fait d’entendre le mot « viol » en cours interpelle, surtout lorsqu’un⋅e élève n’avait pas pensé à ce mot-là avant l’enseignant⋅e pour décrire le texte. C’est tout le paradoxe: le mot nous choque, contient une violence propre, alors que nous ne savons pas toujours ce qu’il contient. On se demande forcément: comment ai-je pu passer à côté?

A. : Ma prof de français et grec en 3è utilisait le mot “viol” pour caractériser les relations entre les satyres et les nymphes dans la mythologie, ou d’autres récits mythologiques. L’usage du terme m’avait frappée: c’était la première fois que je l’entendais, pour des récits ou des personnages qui m’étaient familiers depuis 5 ou 6 ans. Cela m’a permis de prendre conscience (en partie) de l’existence des violences sexuelles dans les récits mythologiques, que je considérais dans un cadre euphémisé ou sentimental jusque là (“Zeus amoureux”, …).

C. : Je me souviens également de ma prof de latin, en terminale, qui a clairement évoqué les viols commis par Néron (mais je ne sais plus si le texte étudié était explicite ou pas…). Contrairement à A., je ne me souviens pas de mes profs m’expliquant que les rapports entre les dieux hommes et les terriennes ou nymphes étaient des viols (je pense qu’eux-mêmes ne l’interprétaient pas comme ça).

S.: L’autre exemple qui me vient à l’esprit me frappe plus aujourd’hui (peut-être parce que c’est un des rares cas dans mon expérience d’élève où il s’est agi d’un homme parlant clairement de viol): lors de mon oral de latin du bac, un examinateur ne m’a pas laissée sortir de la salle jusqu’à ce que soit prononcé tel quel le mot “viol” au sujet du rapt des Sabines (Ovide, Art d’aimer, v.100 à 134). J’étais même gênée, n’osant pas trop moi-même aborder cela je m’étais restreinte au commentaire stylistique, et je me rappelle son insistance “c’est un VIOL ici mademoiselle, ce n’est pas consenti, c’est extrêmement important !”. (Je viens de relire ce texte, et ça me saute absolument aux yeux, ce qui est inquiétant est qu’à l’époque j’ai pu commenter cela sans utiliser le mot viol). Le fait qu’une jeune fille de 17 ans ait eu du mal à oser employer ce mot-là pour décrire une telle scène me choque aujourd’hui, mais je suis heureuse pour le reste d’avoir eu des professeurs qui ont -presque- toujours mis des noms clairs sur les évocations littéraires plus ou moins explicites de ces actes.

On voit qu’Ovide, la mythologie gréco-latine et les récits antiques cristallisent également plusieurs problèmes, notamment parce que les récits mythologiques sont beaucoup enseignés en classe, et souvent très tôt, en 6è en particulier. Par exemple, cette séquence proposée par le CNED traite les viols de Zeus comme des potins sous prétexte de présentation ludique, avec un vocabulaire constitué d’euphémismes:

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Tous les textes n’aboutissent pas à ce type de traitement très problématique: ce sont les textes les plus imprégnés par la culture du viol qui mettent les enseignant⋅e⋅s en difficulté.

Pour placer des élèves, et en particulier des victimes de violences sexuelles (quelles qu’elles soient) dans un cadre bienveillant, il faut absolument que les faits représentés dans une oeuvre soient reconnus comme tels:

  • dans l’oeuvre, par des personnages, qui utilisent le mot adapté ou un synonyme suffisamment clair (« forcer », « abuser de »…).
  • dans l’oeuvre, dans son traitement en général.
  • par l’enseignant⋅e, si le traitement est problématique.

En pratique: qu’est-ce qu’on fait?

A. Ne pas faire du traitement des violences sexuelles un enjeu annexe dans la préparation et dans les objectifs pédagogiques du cours

Il faut déjà d’accepter d’en faire un enjeu d’enseignement important, dès lors qu’un texte pose problème, et pas seulement une question annexe. Il s’agit aussi de reconnaître que ce n’est pas simplement une question de jugement moral et de réaction individuelle, qui nous ferait sortir de la littérature, mais aussi une question pleinement littéraire et intellectuelle, à condition de favoriser la réflexion sur ce sujet.

Dans un excellent article à propos de l’enseignement des lettres classiques, « Teaching rape texts in Classical Literature » , Yurie Hong insiste sur ces enjeux pédagogiques:

N’importe quelle discussion sur le viol doit viser directement, de façon plus générale, une meilleure compréhension du monde antique. Les étudiant⋅e⋅s ont parfois à tort l’impression que raison et émotion s’excluent mutuellement et peuvent considérer toute discussion touchant à des problèmes contemporains ou personnels comme relevant d’une thérapie de groupe. Il est certain que les émotions peuvent perturber leur faculté de jugement, mais cela veut simplement dire qu’aider les étudiant⋅e⋅s à passer de ces émotions à une activité intellectuelle significative est d’autant plus important pour leur formation. (6)

Yurie Hong propose ainsi de cadrer la réflexion avec des questions précises, pour prendre le problème de front plutôt que de mettre en conflit les réactions individuelles et l’étude de texte en cours:

Le but est d’amener les étudiant⋅e⋅s au-delà des lieux communs et des jugements moraux simplistes comme le viol, c’est mal ou les Anciens étaient sexistes. Ces opinions ne sont ni très nuancées ni très propices à la réflexion. (7)

Cette réflexion reste ancrée de le cadre de l’enseignement supérieur. Pour aborder la mythologie en 6è, amener les élèves à formuler un jugement moral ou expliciter leurs sentiments personnels sur un récit est également une bonne manière d’accompagner la lecture.

Une enseignante souligne que lorsqu’elle étudie des récits mythologiques avec des élèves très jeunes, elle pose la question « caprice ou justice des dieux? » afin que chacun⋅e puisse réagir à la violence ou l’injustice présente dans le texte.

C’est également ce type de stratégie pédagogique que décrit @placardobalais, avec des élèves de même niveau, en actualisant la réflexion et en aidant les élèves à dissocier la qualité littéraire de l’idée d’une exemplarité morale du récit:

Avec les 6e c’est l’occasion de parler de consentement je trouve […] moi souvent je demande à mes classes « Vous en pensez quoi de ce comportement ? » […] Je trouve ça important de rappeler à tout le monde que le texte est sans doute bon MAIS QUE c’est pas pour autant que les personnages agissent « bien » 🙂 même Zeus.

Le traitement des textes va donc varier en fonction du niveau, des connaissances, de l’âge des élèves pour un même texte. S’être informé⋅e sur l’éducation au consentement, c’est-à-dire sur une question à première vue plus militante, est également indispensable pour faire face aux éventuelles réactions des élèves. Elizabeth Gloyn décrit ainsi la préparation de son cours sur deux textes d’Ovide:

Pour préparer ce cours, j’ai parcouru des ressources pédagogiques abordant les problèmes suivants: comment parvenir à enseigner des textes difficiles? Comment sensibiliser les étudiant⋅e⋅s de façon efficace à la question du viol? (8)

B. Approfondir les enjeux littéraires et idéologiques de la représentation des violences sexuelles dans le cadre de l’étude

J’emprunte à Yurie Hong les trois étapes qu’elle propose dans son article, qui consiste à interroger l’événement représenté sous trois aspects:

  • qu’est-ce qui est représenté?
  • comment est-ce représenté?
  • pourquoi est-ce représenté?
1. Identifier l’événement: le problème des cas dits « ambigus »

Rapport sexuel consenti ou viol? Que dit vraiment le passage ou l’oeuvre sur l’événement? Quels détails et points de vue propose-t-il, lesquels sont au contraire absents? Est-ce que cet événement serait considéré comme un viol ou une agression sexuelle selon les définitions légales modernes? Est-ce qu’il serait considéré comme un viol ou une agression sexuelle dans le contexte de la culture antique? Qu’est-ce que cela indique sur les enjeux principaux de cet événement? (9)

On a vu que c’est sur ce point qu’achoppaient beaucoup d’enseignant⋅e⋅s. Si des violences sexuelles indiscutables sont parfois occultées par l’enseignant⋅e (le viol de Cécile par exemple), cela ne veut pas dire pour autant que la question est toujours simple. Parfois, les éléments donnés sont insuffisants pour qualifier l’événement. Par exemple, il est difficile de partir de la notion de consentement explicite: le récit est toujours une représentation sélective, qui ne raconte pas tout. Ce sont donc des éléments de contrainte (la violence, la force, le chantage, la surprise…) ou d’absence évidente de consentement (le sommeil ou l’évanouissement) qui permettent de retenir ou non la qualification de viol ou d’agression sexuelle. Si je ne parle pas de possible viol pour toutes les relations sexuelles représentées où le consentement n’est pas explicité, il y a un cas où je considère qu’il faut parler de viol même si supposer des éléments non-représentés pourrait changer la donne: si un texte représente des éléments de contrainte évidents, j’exclus la possibilité d’un « jeu » de type BDSM si le consentement et la négociation ne sont pas explicités.

Beaucoup d’enseignant⋅e⋅s utilisent le terme « ambiguïté ». Ce terme peut être pertinent, mais dans des conditions précises: il est par exemple hors de question de parler d’ambiguïté pour qualifier le viol de Cécile, en utilisant la lettre XCVII. Il est en revanche possible de dire qu’une oeuvre ménage une ambiguïté dans la représentation d’un acte sexuel: il faut alors absolument resituer la mise en scène de cette ambiguïté dans le cadre de la culture du viol et de ses présupposés sur la sexualité et le consentement. Pour des œuvres dont la structure narrative est minimale, comme la peinture, il n’est en effet par toujours possible de trancher, mais cette impossibilité doit être justement interrogée comme une modalité de la représentation de la sexualité. Comme l’écrit Valérie CG à propos du Verrou de Fragonard dans un billet dont je recommande la lecture complète:

Cette scène a été choisie comme affiche pour l’exposition et se montre donc un peu partout dans Paris ; on constate donc qu’une peinture sur laquelle il existe une ambiguïté quant à  ce qu’elle représente – un viol ou un acte consenti – a été choisie pour illustrer une exposition sur le sexe et l’amour. Je ne trancherais pas quant à ce que cette peinture désigne ; déjà parce que je n’en ai pas les compétences artistiques et historiques mais aussi parce qu’il me semble qu’il est justement impossible de le faire et c’est là tout le point de mon raisonnement.

J’avais par ailleurs évoqué l’utilisation problématique de ce terme dans mon billet sur La Mère coupable de Beaumarchais. Il me semble également très hasardeux de faire de l’ambiguïté (ou de la contradiction) dans la représentation d’un acte sexuel un élément qui participerait d’une grande finesse de l’oeuvre sur l’essence des relations humaines ou d’un refus du manichéisme par exemple.

Si la qualification d’un acte sexuel est réellement indécidable, une enseignant⋅e peut aborder avec ses élèves la notion féministe de « zone grise » du consentement, et en clarifier les enjeux politiques et idéologiques, montrer la tension entre les anciennes définitions du viol fondées sur la contrainte physique et les définitions féministes fondées sur le libre consentement.

2. Caractériser l’événement: mettre à distance les modalités de représentation

Quelles attitudes et points de vue expriment les personnages à l’égard de cet événement? Quel effet le ton ou la façon dont le récit est mené produisent-ils sur la lecture de l’événement? Quels présupposés sur les hommes et les femmes sont pris en charge par la voix ou le point de vue du narrateur? (10)

Les questions proposées par Yurie Hong concernent ce qu’on pourrait appeler – en gros – l’idéologie de l’oeuvre. Le problème, évidemment, est qu’elle n’est pas toujours claire (ce qui nourrit les discussions précisément!). Je développerai quelques exemples autour de trois types de représentation des violences sexuelles: l’usage d’un point de vue interne, l’érotisation et l’humour.

– le point de vue interne

L’usage d’un point de vue interne (soit grâce à une narration à la première personne, soit par d’autres techniques narratives) pose souvent des difficultés d’interprétation. Lolita de Nabokov est à cet égard un cas d’école, dont la réception pose énormément de problèmes. Toute interprétation devrait prendre en compte le point de vue interne (non-fiable) par lequel passe le récit, non seulement pour éviter de dire n’importe quoi, mais aussi parce qu’il s’agit de l’intérêt littéraire principal de l’oeuvre. Un commentaire comme celui-ci relève ainsi à la fois du victim blaming (d’un personnage de fiction, certes) et d’une analyse littéraire caricaturale:

P. : Je me souviens aussi de ma prof de lettres en khâgne qui disait, à propos de Lolita : « faut pas exagérer, à 14 ans on sait ce qu’on veut, et puis elle cherche, aussi ! »

La question du point de vue dans Lolita engage aussi les adaptations et les illustrations (lire à ce sujet cet article sur les couvertures du livre), qui vont – ou non – trouver une manière d’adapter la technique narrative du point de vue interne.

L’utilisation de techniques de point de vue interne, comme l’usage dans Germinal du discours indirect libre, peut rendre difficile, à la lecture, la mise à distance: après tout, on « voit » la scène – un viol – depuis l’interprétation qu’en fait un personnage:

Justement, comme Etienne restait assis, immobile dans l’ombre, un couple qui descendait de Montsou le frôla sans le voir, en s’engageant dans le terrain vague de Réquillart. La fille, une pucelle bien sûr, se débattait, résistait, avec des supplications basses, chuchotées; tandis que le garçon, muet, la poussait quand même vers les ténèbres d’un coin de hangar, demeuré debout, sous lequel d’anciens cordages moisis s’entassaient. C’étaient Catherine et le grand Chaval. Mais Etienne ne les avait pas reconnus au passage, et il les suivait des yeux, il guettait la fin de l’histoire, pris d’une sensualité, qui changeait le cours de ses réflexions. Pourquoi serait-il intervenu? lorsque les filles disent non, c’est qu’elles aiment à être bourrées d’abord. […]

Il l’avait empoignée solidement, il la jetait sous le hangar. Et elle tomba à la renverse sur les vieux cordages, elle cessa de se défendre, subissant le mâle avant l’âge, avec cette soumission héréditaire, qui, dès l’enfance, culbutait en plein vent les filles de sa race. Ses bégaiements effrayés s’éteignirent, on n’entendit plus que le souffle ardent de l’homme.

Etienne, cependant, avait écouté, sans bouger. Encore une qui faisait le saut! Et, maintenant qu’il avait vu la comédie, il se leva, envahi d’un malaise, d’une sorte d’excitation jalouse où montait de la colère. […] Une stupeur le cloua, lorsqu’il reconnut au passage Catherine et le grand Chaval. […] Quelle catin! et il éprouvait un furieux besoin de se venger d’elle, sans motif, en la méprisant. […] C’était donc vrai, ce qu’elle lui avait juré le matin: elle n’était encore la maîtresse de personne; et lui qui ne l’avait pas crue, qui s’était privé d’elle pour ne pas faire comme l’autre! et lui qui venait de se la laisser prendre sous le nez, qui avait poussé la bêtise jusqu’à s’égayer salement à les voir!

Cet épisode est tout de même en général bien qualifié de viol, mais on lit dans un résumé fait des enseignant⋅e⋅s l’expression « presque un viol » et on retient en fait surtout le fait que Catherine a cédé à Chaval. Pour étudier cette scène, il faut prendre en compte le malaise que provoque pour le lecteur la proximité avec le regard d’un voyeur, refusant d’intervenir et culpabilisant ensuite une victime de viol de ne pas s’être assez défendue, avant de souhaiter l’avoir violée le premier. Même si le point de vue d’Etienne ne constitue pas la référence idéologique du roman, l’interprétation naturaliste (qui n’est plus liée au point de vue d’Etienne) de la soumission de Catherine contribue aussi à rendre la jeune fille responsable de son viol – ou du moins à en décrire les causes à partir de l’ascendance de la victime. Réciproquement, le viol est renvoyé à une pulsion masculine plus ou moins incontrôlable: il est absolument crucial de contextualiser ces représentations dans le cadre de l’étude du roman.

– l’érotisation

Une autre modalité extrêmement fréquente de représentation des violences sexuelles est l’érotisation d’un acte sexuel non-consenti, ou sa justification par des motivations romantiques. J’ai déjà beaucoup évoqué ce problème, à propos de Ronsard ou de Proust notamment, mais il est massif (notamment pour les récits mythologiques et une partie de la littérature du XVIIIe siècle): les enseignant⋅e⋅s reprennent trop souvent des euphémismes, le vocabulaire amoureux, un ton ou des expressions qui présentent la scène comme sensuelle ou romantique. Il est au contraire nécessaire de placer une distance très claire entre le commentaire et le texte d’origine: il est très tentant d’adopter les tournures pour créer une connivence ou un ton proche de celui du texte, mais cela empêche tout regard critique et exclut les élèves pour qui la violence du texte est évidente.

Il est donc indispensable d’étudier comment l’oeuvre érotise un acte sexuel non-consenti, si cette érotisation est exactement semblable ou non à l’érotisation d’autres actes sexuels consentis ou si l’érotisation propre sur le non-consentement lui-même, etc. Il y a vraiment de quoi faire, ce serait dommage d’en rester à une paraphrase aussi problématique que le texte lui-même!

– l’humour

Enfin, certains textes utilisent le viol ou d’autres violences comme supports de procédés comiques (11). J’avais par exemple évoqué le traitement comique des violences conjugales dans le fabliau cité dans mon précédent billet. Si vous avez déjà essayé de réagir aux blagues sexistes, racistes ou homophobes qui ne manquent jamais de ponctuer un déjeuner de famille, vous aurez sûrement remarqué qu’il n’est pas évident d’expliquer que l’humour repose sur des mécanismes sociaux et idéologiques. Quand on étudie un texte drôle, il y a donc – grossièrement – deux possibilités: ou bien on n’adhère pas, ou même on ne comprend plus l’idéologie, et on passe à côté de la blague; ou bien on rit, mais ce rire semble confirmer notre adhésion aux présupposés idéologiques du trait comique.

Cette année, à l’agrégation, nous avions au programme Le Mariage de Figaro de Beaumarchais. La fin de l’acte II est construite autour de la jalousie du Comte, qui trouve sa femme enfermée dans sa chambre. Suzanne et la Comtesse, surprises du retour du Comte, cachent précipitamment Chérubin dans le cabinet, mais Chérubin renverse un objet. Le Comte se met en colère, pense que c’est un amant caché, et demande à sa femme la clef, avec une grande violence. Elle refuse, et il l’emmène donc hors de la pièce chercher des outils pour forcer la porte du cabinet. Pendant ce temps, Suzanne fait sortir Chérubin, qui saute par la fenêtre, et s’enferme à sa place dans le cabinet. Lorsque le Comte revient, la scène violente continue, mais le spectateur ou la spectatrice sait que Chérubin a fui, et que le Comte trouvera Suzanne dans le cabinet.

Du coup, c’est censé être drôle. Notre professeure essayait de nous montrer que, puisque la tension dramatique disparaissait (on ne craint plus que le Comte trouve Chérubin dans le cabinet), la scène est purement comique, mettant en scène un homme jaloux et ridicule qui débarque avec une grosse pince à la main pour ouvrir la porte. Cette analyse est certes justifiée, mais nous étions plusieurs à faire remarquer que… cela ne nous faisait pas du tout rire.

On rit lorsque le Comte découvre Suzanne dans le cabinet, à la scène suivante, mais pas vraiment avant, lorsqu’il menace d’enfermer sa femme dans sa chambre à vie, et de tuer celui qui se trouve dans le cabinet. L’empathie et la peur ressenties lors de la scène similaire où Chérubin se trouvait toujours dans le cabinet ne disparaissent pas lorsque la violence du Comte revient sur scène. Pour rire, je suppose qu’il faut considérer que les violences verbales (voire physiques en fonction des mises en scène) conjugales sont ridicules en elles-mêmes, pour ne pas seulement rire de l’humiliation du mari jaloux dans la scène suivante. Cela suppose aussi de rompre avec l’empathie que l’on éprouve pour une femme qui a légitimement peur, et qui subit déjà la violence de son mari dans cette scène: il ne s’agit pas que d’une appréhension liée à ce qu’il risque de se passer après. Il est possible qu’un spectateur au XVIIIe siècle ne voit dans la jalousie et sa traduction violente qu’un ridicule, mais pour nous, ce n’était pas le cas.

L’utilisation de viols comme procédé comique est omniprésente dans toute une tradition de littérature grivoise (fabliaux, Décaméron de Boccace, Contes de La Fontaine…) qui utilise des modèles de récit reposant sur des stratégies de tromperie récurrentes pour aboutir à une relation sexuelle. On observe souvent une réticence à utiliser le mot « viol » pour décrire ces récits, alors la tromperie invalide forcément le consentement (je pense à tous les récits où un homme se fait passer pour un autre pour remplacer l’époux dans le lit de sa femme). En général, ces récits font toujours rire: il est donc important d’amorcer une réflexion sur ces choix narratifs comme support du comique.

3. La sexualité et le viol comme éléments narratifs

Pourquoi est-ce que cet événement est représenté ici? Quelle attention lui accorde-t-on, est-il ou non ou central pour le développement du thème et de l’intrigue? Quel objectif remplit-il dans l’économie de l’oeuvre? Est-ce qu’il est utilisé pour exprimer autre chose (par exemple, est-ce une façon métaphorique d’exprimer un rapport de pouvoir, de statut ou d’autorité)? (12)

Là encore, la question n’est pas la même en fonction de la façon dont les violences sexuelles sont représentées: si le viol est assumé comme un événement violent par le récit, on peut interroger son rôle narratif (cette réflexion peut rejoindre l’enseignement de la notion de schéma narratif). Pourquoi, d’une façon générale, représenter dans une oeuvre des actes choquants pour le lecteur ou la lectrice? Comment cela modifie-t-il l’interprétation et la réception de l’oeuvre? Ce peut être l’occasion d’interroger la notion de « gratuité » souvent utilisée dans les discours critiques à l’égard des œuvres à contenu violent, ou au contraire de présenter les critiques politiques récentes faites au schéma narratif rape & revenge (en étudiant le viol de Lucrèce par exemple).

4. Elargir la réflexion sur la définition, la conception et la représentation des violences sexuelles

Yurie Hong propose différents élargissements en fonction du texte étudié: discussion sur le viol en contexte contemporain et sur les différents mythes sur le viol, discussion sur les anciennes définitions du viol, réflexion sur le consentement et sur les représentations “romantiques” du viol en montrant qu’un seul point de vue est exprimé (par exemple dans l’histoire d’Apollon et Daphné), réflexion sur les fonctions politiques du viol (par exemple la justification par les Sabines elles-mêmes de leur enlèvement).

On peut également enrichir et actualiser la réflexion en abordant la persistance de certains types de représentation du viol dans des productions culturelles contemporaines. Les ressources ne manquent pas pour aider les élèves à prolonger la réflexion.

C. Assurer un cadre de discussion bienveillant

Elizabeth Gloyn, dans son article “Reading Rape in Ovid’s Metamorphoses: A Test-Case Lesson”, rapporte de façon très détaillée les choix qu’elle a faits à l’occasion de l’étude à l’université de deux textes d’Ovide racontant des viols (l’histoire de Procné et de Philomèle et le viol de Proserpine) afin d’assurer un cadre de discussion bienveillant.

Le plan de cours distribué aux élèves indique que la séance sera consacrée au viol dans la poésie latine. L’enseignante prévient la séance précédente, puis au début de la séance, qu’elle attend de la part des élèves un comporte adulte, mature et respectueux. Une série de questions obligatoires sont préparées par les élèves avant le cours. Le début du cours est consacré à une réflexion sur le regard porté par le lecteur ou la lectrice sur ces textes:

J’ai ensuite demandé à mes étudiant⋅e⋅s de réfléchir à la façon dont leur propre origine et leur éducation influençaient leur réaction aux textes, puis de partager leur réponse avec leur voisin⋅e. Après quelques minutes, j’ai invité les étudiant⋅e⋅s à proposer un compte-rendu pour toute la classe. Ainsi, les étudiant⋅e⋅s ont eu l’opportunité d’observer leurs propres réactions au texte sans la vulnérabilité qu’implique le regard des autres; mais cela nous permettait aussi de commencer à analyser le type de préjugés sur le viol qu’ils apportaient avec eux. […] La discussion a articulé les textes avec les expériences des étudiant⋅e⋅s, sans qu’aucun⋅e étudiant⋅e ne se sente obligé⋅e de partager des informations potentiellement sensibles avec la classe ou de s’exposer au regard public. (13)

L’enseignante demande aux élèves, après la lecture du premier texte (le viol de Proserpine), s’ils pensent qu’il s’agit d’un viol, et comment ils définissent le viol. Elle peut, pour cela, s’appuyer sur la définition légale du New Jersey qui définit le viol à partir de l’absence de consentement explicite (stated affirmative consent), tout en laissant les étudiant⋅e⋅s proposer des définitions différentes ou contradictoires, qui font apparaître les “zones grises” de la définition la plus commune du viol (un rapport sexuel forcé).

Le deuxième texte soulève davantage de réactions, parce que le texte laisse entendre que Philomèle a suscité volontairement le désir de son père. La classe conclut cependant que cela décrit plutôt la façon dont le père interprète le comportement de sa fille.

Enfin, l’enseignante propose une réflexion plus générale sur la culture latine, les raisons pour lesquelles Ovide écrit ces récits, et demande aux élèves de s’interroger sur leur responsabilité de lecteur. Les discussions donnent l’occasion à l’enseignante de rappeler que le mot “viol” n’a commencé à être utilisé que très récemment pour décrire ces textes, et suscitent une réflexion sur les choix de traduction et le pouvoir de certains mots de modifier le regard sur le texte.

Elle distribue à l’issue du cours un questionnaire pour que les étudiant⋅e⋅s puissent s’exprimer sur la séance. L’enseignante souligne notamment que les retours des garçons sont très positifs, et que leur attitude a été plus respectueuse et leur participation plus active qu’elle ne pensait:

J’avais peur que mes étudiants de sexe masculin se sentent attaqués ou accusés personnellement par la discussion. En fait, il s’est passé exactement le contraire: […] Centrer réellement la discussion sur un texte ancien semble avoir créé pour eux un espace protégé dans lequel ils pouvaient envisager les actions qui y étaient représentées sans se sentir attaqués ou incapables de participer. (14)

Yurie Hong envisage également la possibilité de discussions conflictuelles en abordant ces textes. Si l’un⋅e des élèves fait une blague sur le viol, formule un propos offensant, sexiste, ou qui s’inscrit dans la culture du viol, il est indispensable de prendre le temps de répondre à ces propos calmement pour que les élèves pour qui ces propos créent un environnement hostile sachent que l’enseignant⋅e prend en compte leurs préoccupations. Elle conseille, dans ce cas, de détacher le propos de la personne qui l’a exprimé pour le contextualiser et mettre en évidence les problèmes qu’il pose ou les objections possibles. Les enseignant⋅e⋅s choisissent en général dans ce cas de s’appuyer sur la loi – ce qui implique de connaître les définitions légales relatives aux violences sexuelles (15).

Enfin, la question de la place de l’expérience personnelle des étudiant⋅e⋅s dans la discussion se pose: il est fondamental que l’enseignement d’œuvres qui représentent des violences ne conduise pas les élèves à exposer leur vie privée contre leur volonté. C’est en partie l’objectif des précautions prises par Elizabeth Gloyn, qui laisse cependant aux élèves la possibilité d’évoquer leur expérience personnelle s’ils ou elles le souhaitent. D’autres enseignant⋅e⋅s font cependant un choix différent:

E.B. : Je leur demande aussi de ne pas témoigner de leur vécu personnel durant le cours, les débats restent centrés sur les œuvres et leur analyse.

Conclusion

Avoir une réflexion approfondie sur les besoins et le bien-être des élèves avant d’étudier en classe des textes représentant des violences sexuelles n’a vraiment rien d’une volonté de censurer la moitié du canon littéraire. Si l’importance politique d’un bon traitement de ces textes est évidente, l’importance pédagogique d’une telle réflexion n’est pas moindre. Yurie Hong circonscrit ainsi le rôle de l’enseignant⋅e à cet égard:

Nous ne sommes pas psychothérapeutes, et nous n’avons ni les compétences ni pour mission de résoudre les maux de la société. Nous sommes, en revanche, responsables du bien-être de nos étudiant⋅e⋅s, de leur développement intellectuel, et de la mise en place d’un environnement dans lequel ce développement peut prendre place. A cet égard, attirer l’attention des étudiant⋅e⋅s sur le rôle du viol dans les sociétés antiques ou modernes n’est pas une exigence seulement éthique mais également professionnelle. (16)

Notes:

(1) Un billet d’AC Husson sur le blog Genre! propose une mise au point sur cet outil et les débats qui l’entourent en contexte militant.

(2) On peut lire à ce sujet un excellent billet en BD sur la difficulté à utiliser le mot « viol », sur le blog Dans mon tiroir.

(3) Caroline Muller a par exemple fait ce choix dans le cadre d’un cours sur les violences extrêmes, sur lequel elle revient dans ce billet, pour la séance consacrée aux violences sexuelles.

(4) « During the week spent on Ovid’s “Metamorphoses,” the class was instructed to read the myths of Persephone and Daphne, both of which include vivid depictions of rape and sexual assault. As a survivor of sexual assault, the student described being triggered while reading such detailed accounts of rape throughout the work. However, the student said her professor focused on the beauty of the language and the splendor of the imagery when lecturing on the text. As a result, the student completely disengaged from the class discussion as a means of self-preservation. She did not feel safe in the class. When she approached her professor after class, the student said she was essentially dismissed, and her concerns were ignored. »

(5) La question du viol dans Les liaisons dangereuses est notamment abordée dans le billet de Maxime Triquenaux consacré à la culture du viol dans la littérature du XVIIIe.

(6) « Any discussion of rape should be tied directly to the larger goal of gaining a deeper understanding of the ancient world. Students are sometimes under the false impression that emotions and intellect are mutually exclusive and may dismiss conversations about contemporary or personal issues as group therapy. Certainly emotions can cloud one’s judgment, but this simply means that helping students to leverage those emotions into meaningful intellectual activity is all the more important to their education. »

(7) « The goal is to move students beyond broad generalizations and simplistic moral judgments that rape is bad and the ancients were sexist. Such easy sentiments are neither particularly nuanced nor particularly thought-provoking. »

(8) « In preparation for the class, I read widely through pedagogical literature dealing with questions both of how to teach difficult texts successfully and how to educate students effectively about rape. » (Classical World, Volume 106, Issue 4, Summer 2013,  pages 676-681, “Reading Rape in Ovid’s Metamorphoses: A Test-Case Lesson”, Elizabeth Gloyn).

(9)  « Identifying the incident as sex or rape: What does this passage/work actually say about this incident? What details and perspectives are included, and which are missing? Would this incident count as an act of rape/sexual assault according to modern legal definitions? Would this incident be viewed as consensual sex or as rape within the context of ancient culture? What does this indicate about the primary concerns regarding this incident? Whose interests or concerns are the laws against rape meant to address or protect? »

(10) « Characterizing the incident: What attitudes and perspectives are expressed toward the incident by the characters within the text? How does the tone or direction of the narrative impact the reading of the incident? What kinds of assumptions about men and women are assumed by the voice or perspective of the narrator? »

(11) Un article a été écrit à ce sujet par une helléniste, Donna Zuckerberg: « How to teach an ancient rape joke?« 

(12) « Sex and rape as a feature of narrative: Why is this incident included here? How much attention is given to it, and how central is it to the development of theme and plot? What purpose does it serve in the overall work? Is it being used to express something else (e.g., is it a metaphor for power, status, or authority)? »

(13) « I next asked my students to think about how their own background and history had formed their reactions to the readings, and then to share that response with the person sitting next to them. After a few minutes, I invited students to share feedback with the whole class. This meant students had a chance to examine their own reactions to the text without the vulnerability of scrutiny by all their peers; but it also meant that we could begin to analyze what sorts of assumptions about rape they were carrying with them. […] The discussion connected the texts to the students’ own experiences, but did not put any students under pressure to share potentially sensitive information with the entire class or open themselves to public scrutiny. »

(14) « I had been concerned, […], that my male students would feel alienated or personally accused by the discussion. In fact, exactly the reverse happened – […]. Focusing discussion so closely on the ancient text seemed to provide them with a safe space to consider the actions depicted there without feeling attacked or unable to participate. »

(15) Un billet de @placardobalais évoque la difficulté de faire face à des propos qui nient la gravité des violences, et propose des pistes pour y répondre.

(16) « We are not therapists, and we have neither the expertise nor the mandate to try to fix society’s ills. We are, however, responsible for our students’ well-being, for their intellectual development, and for fostering an environment in which that development can take place. In that regard, drawing students’ attention to the role of rape in both ancient and modern societies can be seen not only as an ethical duty but as a professional one as well […]. »

Bibliographie:

1. réflexions d’enseignantes de lettres classiques (en anglais)

– Madeleine Kahn, « Why Are We Reading a Handbook on Rape? Young Women Transform a Classic » ,  Pedagogy, vol. 4, n° 3 (2004), pp. 438-459.

– Yurie Hong, « Talking about rape in the Classics Classrooms » , Classical World, vol. 106, n° 4 (2013), pp. 669-675 (« Teaching rape texts in Classical literature »), issu d’une communication prononcée dans le cadre de l’atelier de l’APA, “New Ventures in Classics Pedagogy: The Challenge of Teaching about Rape”, en 2010.

– Elizabeth Gloyn, « Reading rape in Ovid’s Metamorphoses: A Test-Cas Lesson » , Classical World, vol. 106, n° 4 (2013), pp. 669-675 (« Teaching rape texts in Classical literature »), issu d’une communication prononcée dans le cadre de l’atelier de l’APA, “New Ventures in Classics Pedagogy: The Challenge of Teaching about Rape”, en 2010.

– Donna Zuckerberg, « How to teach an ancient rape joke » , Jezebel (26 Mai 2015).

2. des expériences d’enseignement relatives aux diverses formes de violences:

– « De l’omniprésence de la violence et sa gestion en tant que professeur⋅e » , « Un⋅e bon⋅ne enseignant⋅e, c’est… » et « De l’accueil des confidences sur les violences subies » sur le blog carnetdeclasses: que faire en tant qu’enseignant⋅e si l’on constate des violences (familiales, sexuelles…) ou si un⋅e élève évoque des violences?

– « Du débat sociétal improvisé en classe » sur le blog carnetdeclasses: comment réagir en classe face à des propos d’élèves qui justifient des violences ou des oppressions?

– « Enseigner les violences extrêmes. Retour d’expérience » sur acquisdeconscience, le carnet de recherche de Caroline Muller, qui aborde les enjeux de l’enseignement et l’importance d’une approche par les sciences humaines pour comprendre des violences « incompréhensibles » en revenant sur le cours qu’elle a consacré au génocide des Tutsi au Rwanda et au « nettoyage ethnique » en ex-Yougoslavie.

3. la place des violences de genre dans la pratique de la recherche en histoire et en littérature:

– « Je suis dans une situation inextricable. Violences conjugales et direction de conscience au XIXe siècle » de Caroline Muller et « Severitas et affectio maritalis. De la violence conjugale au XVe » de Véronique: deux billets sur acquisdeconscience consacrés au rapport aux violences conjugales dans la pratique de l’histoire

– « Retirer les guillemets. A propos de l’étude du viol conjugal et du nécessaire anachronisme » de Caroline Muller sur acquisdeconscience.

– « Laclos, Casanova et la culture du viol. Du danger de fétichiser le XVIIIe siècle » de Maxime Triquenaux sur imaristo.

4. sur ce blog, à propos des violences sexuelles et de la culture du viol:

– « Ovide coach séduction: pick-up artists, les origines » sur L’Art d’aimer d’Ovide.

– « Un viol disparaît: zone grise et mère coupable » sur La Mère coupable de Beaumarchais.

– « Petit guide littéraire et mythologique pour violer mais pas trop violemment » sur Les Amours de Ronsard et les récits mythologiques.

– « Maître ou serviteur? Réflexion sur le modèle courtois de séduction » sur Les Amours de Ronsard et L’Heptaméron de Marguerite de Navarre.

5. [edit] Plusieurs articles ont été publiés depuis l’écriture de ce billet, et j’ai moi-même continué à approfondir la question :

– « Viol et littérature (XVIe-XIXe siècle) » (dir. Nathalie Grande), Tangence, n°114, 2017. Le numéro comprend cinq études sur différents cas de viols en littérature.

– J’ai co-organisé avec un étudiant et une enseignante-chercheuse, au sein des Salopettes (association féministe de l’ENS de Lyon), un atelier consacré à la question de l’enseignement des textes représentation des violences sexuelles. Un compte-rendu est disponible sur le blog de l’association.

– Roxane Darlot-Harel a consacré un mémoire de recherche de master 2 à la culture du viol dans la littérature libertine du XVIIIe siècle. Je l’ai interviewée sur ce blog.

– Lors de mon travail de recherche de master 2, j’ai été à nouveau confrontée à cet enjeu dans le cas d’une oeuvre contemporaine (parue en 2016), Mémoire de fille d’Annie Ernaux. J’ai tiré un billet de mes premières réflexions sur cet aspect de l’oeuvre : « Le refus du mot « viol » chez Annie Ernaux ».

– J’ai rédigé un billet de réflexion sur le statut spécifique de la thématique de l’amour dans l’enseignement et la vulgarisation auprès du grand public de la littérature, à partir d’un ouvrage écrit par une enseignante et des nouveaux programmes de collège : « La littérature a-t-elle quelque chose à nous dire sur l’amour? ».

 

2 réflexions sur “Le viol en littérature: perspectives d’enseignement

  1. en_cours dit :

    Bonsoir, j’attendais votre article ; je regrette qu’il n’ait pas suscité plus d’échanges mais je suppose que c’est le cadre de twitter. Je dois le relire car depuis je n’ai pas eu beaucoup de temps. Je me souviens qu’à sa lecture (trop) rapide, vous souleviez plusieurs difficultés sur la réception d’une oeuvre et la caractérisation de scènes de viol par le corps enseignant. Toute la difficulté pour moi est de savoir ce que l’auteur peut écrire (ce qui relève de la censure interne et externe), – le rôle de la transgression – son contexte et sa réception dans une salle de classe. En tout cas, merci pour votre réflexion. (openacces_tp)

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