Je remercie les deux enseignantes qui m’ont fait découvrir les textes évoqués dans ce billet: M. Rosellini et M.-P. Halary. Je m’appuie en particulier sur le cours et le travail de M.-P. Halary pour commenter le fabliau et pour évoquer les enjeux idéologiques du texte. Un très grand merci également à F.-R. Dubois pour ses corrections et ses suggestions pour la traduction du fabliau.
Certaines formulations de ce billet reconduisent le postulat cis-normatif selon lequel est homme/masculin qui possède un pénis et femme/féminin qui possède un vagin. Je ne préciserai pas systématiquement ce que ces associations ont de discutable: je les utilise lorsqu’elles relèvent de l’idéologie de référence des textes, et non comme des évidences. J’espère que l’approche de mon billet, qui étudie justement la construction de ces liens, est suffisamment claire sur ce point.
Je partage avec vous quelques réflexions réalisées à l’occasion d’un oral de littérature du XVIIe sur… le SEXE.

Zardoz, John Boorman
Making sex: dépasser la binarité sexe / genre
Beaucoup de gens ont réfléchi à l’anatomie des organes sexuels (mais aussi aux fluides sexuels, à l’orgasme, etc.) et surprise: ils n’écrivent pas du tout la même chose, ne réfléchissent pas dans le même cadre, n’ont pas les mêmes préjugés ni les mêmes paradigmes épistémologiques ou politiques.
Un historien, Thomas Laqueur, a eu la bonne idée d’étudier sur ce sujet les discours médicaux et scientifiques entre l’Antiquité et le XIXe siècle environ, dans un bouquin très intéressant, Making Sex: Body and Gender From the Greeks to Freud, traduit en français par La fabrique du sexe: Essai sur le corps et le genre en Occident. Thomas Laqueur montre que notre manière de penser sexe et genre comme un rapport nature (corps objectif) / culture (les constructions sociales de genre) est récente, et naît au XVIIIe siècle. La division des genres (les hommes et les femmes sont des rôles distincts dans la société selon un rapport hiérarchique de domination et d’obéissance) est alors remotivée par une différence anatomique. Cette division était auparavant évidente, et il n’était pas indispensable de l’ancrer dans deux sexes biologiquement, physiquement, objectivement différents.